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Phillippe Lafitte

Bonjour Philippe comment allez-vous ?

Jusqu’ici tout va bien.

 

Vous en 4 mots …

Gagne à être connu? En gardant le point d’interrogation, s’il vous plaît.

 

Parlez-nous de votre dernier livre « Eaux troubles »

Je veux laisser la surprise de la découverte aux lecteurs mais je peux dévoiler que ce sera une histoire littéraire et cruelle, avec un arrière-goût de thriller psychologique ET physique ; quelque chose d’un peu hitchcockien, mais vue en 2017. Cette fiction s’inscrit dans la nouvelle collection « Uppercut » de BSN Press, qui réunit sport et littérature. Chaque auteur a choisi une discipline qui lui parle et l’inspire. En ce qui me concerne, j’ai choisi un sport aquatique parce que je connais bien la natation (j’ai été maître-nageur quand j’étais étudiant…il y a des lustres ; mais les souvenirs restent !). Et qu’au delà des corps en recherche de performances sportives se cachent des drames, des cicatrices, des fêlures existentielles. Derrière l’éclat rutilant des piscines, vous pourrez vous pencher au bord du bassin et y découvrir un peu de sang chaud dans l’eau froide… La collection et ses quatre premiers auteurs seront présentés chez Payot Rive gauche à Genève et Payot Lausanne. Le lancement officiel aura lieu au Salon du Livre de Genève le vendredi 28 avril.

 

Le livre qui vous a le plus marqué dans votre enfance …

Spontanément, « L’Appel de la forêt » de Jack London. J’ai dû toucher du doigt à ce moment-là et sans le formuler (je devais avoir 9 ou 10 ans), la puissance magique des mots. Capables de créer une existence parallèle à la sienne et de vous entraîner dans « la vie ailleurs ». Plonger dans l’inconnu avec des frissons, des émerveillements et des émotions : quelque chose de l’ordre de l’animisme !

 

L’élément déclencheur qui vous a donné envie d’écrire …

A l’adolescence, un improbable mélange de Kerouac, Baudelaire et André Gide (pour épater une petite amie très littéraire). Tentative d’écriture avortée mais je n’ai pas dit mon dernier mot : j’ai continué par petites touches diverses et expérimentales.

A l’âge adulte, la conscience qu’il était temps d’arrêter de tourner autour du pot avec des textes courts que je multipliais pour me rassurer, et d’attaquer sérieusement la face nord du roman. Probablement aussi la frustration du monde du travail, trop normatif (mais bonne source d’inspiration). J’ai mis du temps à me lancer : le début de la quarantaine.

 

L’écrivain ou l’élément qui vous inspire pour écrire des livres.

Pas un écrivain mais des écrivains, qui sont devenus des compagnons de route, pour certains, « in real life ». J’ai d’abord besoin de curiosité puis d’émotions fortes quand je découvre un auteur; parfois ça touche plus le cerveau, parfois plus le cœur. L’idéal étant les deux. J’ai aussi besoin de ressentir quelque chose qui me dépasse, me bonifie, me transforme, mais je ne me sens jamais « écrasé » par les auteurs lus. De manière générale, je ne vénère pas les artistes pour leur statut, je me nourris de ce qu’ils font avec un infini plaisir et parce qu’ils m’aident à grandir, à m’élever. Je recherche souvent ce qui m’est étranger pour découvrir une facette humaine ou culturelle que j’ignorais. Une vision esthétique singulière peut m’attirer si elle n’est pas absconse. L’énigme relativement absurde qu’est la vie est évidemment LE bon moteur pour écrire.

 

Dans tous les livres que vous avez écrits, lequel selon vous est le plus réussi ? Celui dont vous êtes le plus fier ?

Impossible de choisir parmi ses enfants, je les aime tous, avec leurs qualités et leurs défauts. Mais l’idée que le quatrième, « Vies d’Andy », édité au Serpent à Plumes en 2010, soit sorti après avoir été refusé ailleurs, est une victoire sur mes propres doutes. J’avais la conviction qu’il ne pouvait pas finir sa vie dans un tiroir *. Mais « Eaux troubles », en tant que petit dernier, requiert toute mon attention !

(* il est désormais en cours d’adaptation pour le cinéma)

 

La valeur sûre au niveau littéraire actuellement.

Aucune idée. C’est un critère spéculatif, pas littéraire.

 

Le syndrome de la page blanche on connaît ou pas ?

La page blanc pur, non. Mais les doutes en cours d’ascension, évidemment oui. C’est beaucoup plus douloureux quand on est plongé dans le concret de l’écriture que dans les rêveries initiales. Pour moi, le point crucial est le milieu du gué, ou qu’on sent comme tel : on ne peut plus reculer tout en ne sachant pas où est la ligne d’arrivée. Mais pas d’éclaircies sans tempêtes, pas de point de vue à couper le souffle sans être arrivé en haut. Eprouvant mais ça vaut le coup.

 

Le livre que vous avez détesté lire pendant votre adolescence …

Peut-être « Au bonheur des dames » de Zola, et ses descriptions qui me semblaient vétilleuses et interminables. Sans doute un mauvais professeur et une adolescence portée sur des auteurs et des mondes plus marginaux.

 

L’écrivain que vous rêvez de rencontrer.

Je ne projette pas de fantasmes sur les écrivains (sauf peut-être la vie de Jack Kerouac quand j’étais adolescent). Ce qui est beaucoup plus drôle, ce sont les rencontres de hasard : parce qu’elles peuvent déboucher sur de petites foirades ou de grandes amitiés, sorte de roulette russe relationnelle a priori sans issue fatale.

 

Michel Bussi, Harlan Coben, ou Marcel Pagnol ?

Des trois je n’ai lu que Pagnol mais quitte à choisir, je préfère Philip Roth.

 

Si je vous dit : « lire ressemble à regarder l’horizon. D’abord on ne voit qu’une ligne noire, puis on imagine des mondes », vous me dites ?

Je ne vois jamais de ligne noire à l’horizon, plutôt une ligne invisible mais tangible, dans laquelle je peux me perdre avec bonheur. La promesse est de l’autre côté. Dans le mystère et la découverte.

 

Si vous n’étiez pas écrivain vous seriez …

Mort ? Je blague (mais je touche du bois au passage). Peut-être cinéaste parce que j’adore le cinéma (presque autant que la littérature), que c’est un art complet, et que l’exemple de Manoel de Oliveira qui tournait encore à plus de cent ans, donne de beaux espoirs.

 

Que peut-on vous souhaiter aujourd’hui ?

Que la collection Uppercut que j’inaugure prochainement avec des auteures suisses talentueuses (vous remarquerez qu’il y a là « talent » et « tueuses », tout un programme ! ) dépasse rapidement les frontières suisses pour la France, la Belgique, et tous les pays où l’on aime la langue française. D’autres auteurs arrivent déjà derrière !

Merci beaucoup Philippe Lafitte d’avoir répondu à mes questions et belle continuation littéraire.

Merci, chère Stéfanie, et peut-être à bientôt en Suisse, en chair et en os !

Crédit photo : John Fowley 

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