
Brume Rouge de Nicolas Feuz
Parlez-nous de votre livre « Brume Rouge », comment est-il né ? On veut tout savoir.
Depuis un certain temps, j’avais envie d’écrire un polar sur le thème climatique, mais sans en faire un manifeste. Ce qui m’intéressait tout particulièrement, c’était d’exploiter les réactions parfois disproportionnées des gens sur les réseaux sociaux à ce sujet, un lieu sans filtre, presque une zone de non-droit où les gens ont l’impression qu’ils peuvent dire tout et n’importe quoi sans risquer de conséquences, notamment pénales. Cet aspect a été particulièrement mis en lumière durant la pandémie.
Où avez-vous trouvé l’inspiration pour l’écriture de ce livre ?
Je me réfère pour l’essentiel à la réponse précédente et j’ai imaginé qu’une égérie comme Greta Thunberg, qui suscite l’admiration chez certains et l’agacement chez d’autres, puisse, avec son prénom relativement rare dans les pays francophones, engendrer une nouvelle génération de petites Greta. Un peu comme la remise au goût du jour du prénom Léa au début des années 2000 suite à la chanson de Louise Attaque ou comme l’explosion du prénom anglophone Kevin dans les années 90 suite au film « Maman, j’ai raté l’avion ».
Question un peu naïve, mais j’assume complètement : c’est le thriller qui est venu vers vous ou c’est l’inverse ?
Le polar et le thriller sont des genres que j’ai toujours aimés, depuis bien avant que je sois élu dans la magistrature pénale en 1999. Ce sont des genres que j’affectionne tout particulièrement depuis mon adolescence.
Avec tous les livres que vous avez à votre actif, est-ce que le syndrome de la page blanche, on connaît ou pas ?
Avant de poser le premier mot d’un nouveau livre, il y a toujours, chez moi, la construction d’un scénario détaillé et prédécoupé en chapitres. Donc, au moment de l’écriture proprement dire, il n’y a pas de syndrome de la page blanche. Ce syndrome peut plutôt m’arriver en phase de construction du scénario, manque d’idées, comment relier des idées les unes aux autres, etc. Mais en fin de compte, à ce jour, ça ne semble pas être un véritable problème pour moi. J’ai déjà quatre ou cinq idées de scénarios en tête pour de prochains livres.
Qu’est-ce qu’il a de plus ce livre-là par rapport aux autres ?
Je ne suis pas sûr que Brume rouge ait quelque chose de plus par rapport aux autres. Chaque livre est différent. J’ai tous aimé les écrire, chacun avec ses particularités. Ce que j’ai aimé exploiter dans Brume Rouge, outre les questions climatiques, ce sont des sujets historiques, comme le rôle de la Suisse pendant la Deuxième Guerre mondiale ou le scandale des enfants placés. J’ai aussi trouvé un certain plaisir à dévoiler le nom de l’assassin dès le prologue, même si, évidemment, il n’est pas forcément celui que l’on croit.
Un livre à 4 mains ça le ferait ou pas ? Si oui avec qui ?
Depuis des années, les lectrices & les lecteurs nous posent régulièrement cette question, à Marc Voltenauer et moi. Nous y réfléchissons.
Quelles sont vos influences littéraires ?
Le polar, essentiellement français et nordique. J’avoue avoir un peu moins d’attirance pour le polar américain, je ne sais pas pourquoi, ça me parle moins. J’ai lu pratiquement tous les Mankell, Nesbo, Grangé, etc. Aujourd'hui, je m’intéresse un peu plus aux auteurs francophones que je côtoie régulièrement dans des salons en France et en Belgique.
Quelles sont vos sources d’inspiration pour l’écriture ?
Outre la littérature et le cinéma, mon travail de procureur évidemment. Ça fait 23 ans que je travaille tous les jours avec la police judiciaire, la police technique et scientifique, les médecins légistes, les avocats, les experts psychiatres, les agents de détention, etc. C’est un monde que je connais donc particulièrement bien.
Le dernier livre que vous ayez lu, il parlait de quoi ?
C’était un livre scientifique sur les essais nucléaires français dans le Pacifique. Car ce sera le thème de mon prochain polar. Je lis donc aussi beaucoup de documentation en vue de l’écriture.
A votre avis qu’est-ce qui fait que vos livres plaisent autant ?
Le côté régionaliste est probablement un facteur, mais pas seulement. En effet, beaucoup de mes romans voyagent à l’étranger et leur succès en Suisse ne fluctue pas en raison de l’éloignement géographique. On me dit souvent, du côté des lectrices et des lecteurs, qu’il y a des facteurs comme le rythme soutenu (on ne s’ennuie pas une seule seconde), les rebondissements (souvent imprévisibles) et le côté vrai du récit, parce que les procédures judiciaires et policières sont toujours respectées, les termes sont exacts, les dialogues – comme les ambiances – correspondent à ce qu’on vit entre professionnels sur le terrain. Un polar qui invente un service de police qui n’existe pas, un grade qui n’existe pas, des techniques d’investigations improbables, ne va pas plaire et carrément faire fuir ceux qui connaissent un peu. A l’inverse, un polar 100% réaliste, qui va se borner à décrire, pas à pas et de manière trop professionnelle, le déroulement d’une enquête en insistant un peu trop sur les détails du métier, risque d’ennuyer le lecteur et – paradoxalement – également ceux qui connaissent ledit métier. Il faut donc trouver un bon équilibre entre réalisme et fiction.
Votre recette du bonheur c’est quoi ?
La simplicité, le sourire, l’absence de prise de tête, se laisser vivre. Une fois qu’on a compris qu’on ne peut pas plaire à tout le monde – que ce soit avec les livres qu’on écrit comme dans tous les autres secteurs de la vie – on ne se soucie plus que du positif, on balaye le négatif en souriant, et alors, on tend vers le vrai bonheur.
Le prochain livre de Nicolas Feuz, il parlera de quoi ?
Fin août 2022 sortira mon troisième polar jeunesse, Black Justice 3.0, publié dans la collection Frissons Suisses chez Auzou. Il parlera d’une prise de contrôle informatique des automates du musée de Sainte-Croix, dans le Nord vaudois. Une sorte de mini-Terminator pour les jeunes de 10 à 12 ans.
Mon prochain polar pour adultes partira à l’autre bout du monde, direction la Polynésie française, Bora Bora. Vous y découvrirez la Perle du Pacifique sous toutes les coutures, positives comme négatives. Pour l’heure, le titre et la date de sortie ne seront pas communiqués, mais je peux déjà vous dire que ce sera le « miroir » de Brume Rouge, une intrigue qui mettra en scène l’inspectrice Tanja Stojkaj de l’autre côté de la Planète et qui se déroulera en même temps que les événements de Brume Rouge en France et en Suisse. Sans oublier, bien entendu, les 12 heures de décalage horaire !
Dernière question à vous poser : que puis-je vous souhaiter aujourd’hui pour demain ?
Connaître en France, dans le reste de la Francophonie et, pourquoi pas, dans le reste du monde car des traductions sont en cours, le même succès que rencontrent mes polars aujourd’hui en Suisse.
Merci pour cette interview et belle continuation littéraire