
Critique littéraire : Une Vie (Guy de Maupassant)
UNE VIE : L’AVENTURE TERRIBLEMENT HUMAINE D’UNE ARISTOCRATE NORMANDE.
L’histoire de Jeanne Le Perthuis des Vauds est pour le moins rocambolesque. Ce récit imaginaire débute lorsque cette jeune femme sort de couvent, à l’âge de 17 ans, le cœur empli d’enthousiasme et d’espoir. D’une naïveté enfantine, elle s’imagine qu’elle se mariera à l’homme rêvé, la représentation humaine de l’amour biblique, pur, droit, inconditionnel et éternel. Or bien évidemment, si tout se déroulait comme prévu ce roman n’aurait pas l’intérêt captivant que tout un chacun devrait lui porter.
Au fil des pages, Guy de Maupassant nous fait découvrir les méandres de sa pensée. Cette pauvre femme est humiliée par son mari, trahie par sa bonne et délaissée par son fils. En ce siècle où certaines difficultés humaines sont inavouables et glissées sous le tapis car les mœurs religieuses sont écrasantes et l’honneur familial sacré, elle est dans l’impossibilité de dévoiler au grand jour le lourd fardeau que constitue ses problèmes familiaux qui pèsent énormément sur sa santé et sur son patrimoine terrien et financier.
Le style de Maupassant est très dynamique et poétique, il insuffle la vie aux évènements qu’il décrit. Dynamique, car il donne l’ampleur et le volume adéquat aux multitudes d’émotions positives et négatives qui rythment la vie de Jeanne, la description de chacune de ses joies, de ses lamentations ou de ses angoisses empoigne le lecteur aux tripes. Poétique, car il inscrit cette histoire dans un cadre normand et parisien, naturel et coloré qu’il dépeint à l’aide de métaphores toutes plus belles les unes que les autres sans trop faire dans la description terne et froide, à la manière naturaliste d’Emile Zola par exemple.
Je recommande vivement ce livre aux personnes qui souhaitent s’évader dans la campagne française du XIXème siècle et vivre une histoire fantastique et palpitante aux côtés de cette infortunée héroïne. Ce récit a hélas encore aujourd’hui une résonnance particulière du fait qu’il dénonce d’une part le poids douloureux de l’extrémisme religieux hypocrite sur des individus aspirant à vivre paradoxalement honnêtement en accord avec les principes moraux de la bible et d’autre part le statut secondaire révoltant des femmes dans cette société qui sont reléguées à l’état de simples jouets au service de leur mari ou de leur père. Mais avant toute considération éthique ou morale, c’est la dimension humaine de ce roman qui le rend si touchant et familier, les douleurs d’amour, marital et filial ou financières révèlent l’aspect intemporel d’Une Vie.
NOTE : 8/10.
Source de la photo : wikipedia.org