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Entretien avec Marie-Eve Meuwly et son nouveau polar Le lac des signes

1. L'ambiguïté Réalité/Folie : Le résumé mentionne que "la frontière entre la réalité et la folie est peut-être plus mince qu'il n'y paraît". Dans quelle mesure avez-vous utilisé cette ambiguïté pour manipuler le lecteur ? Est-ce que cette thématique est abordée à travers la perception des personnages (thriller psychologique) ou à travers l'intrigue elle-même ?

Dès les premières lignes de l’écriture, mon objectif était de plonger le lecteur dans une forme d’incertitude permanente. Je voulais qu’il soit sans cesse ballotté entre différentes hypothèses : croire qu’un personnage est impliqué, puis douter, puis se réinterroger à nouveau. Cette ambiguïté entre réalité et folie, je l’ai travaillée à la fois à travers la perception des personnages, notamment celle de la protagoniste, qui remet elle-même en question ses croyances et sa propre lucidité et à travers l’intrigue elle-même, qui joue avec les apparences. Ce que j’ai voulu provoquer, c’est un glissement progressif : faire vaciller les certitudes, autant celles des personnages que celles du lecteur. Finalement, chacun est invité à questionner ce qu’il tient pour vrai. C’est une manière d’explorer cette frontière ténue entre ce que l’on croit être la réalité… et ce qui pourrait n’être qu’une construction mentale.

2. Le passé et l'enfance : Votre personnage principal, Jane, est motivée à rejoindre la police suite à la disparition de ses parents durant son enfance. Comment ce traumatisme initial et cette quête personnelle de vérité sur son passé influencent-ils la façon dont elle mène l'enquête et ses interactions avec le second protagoniste ?

Je voulais que Jane porte un passé lourd, marqué par la disparition de ses parents, un traumatisme qui a façonné son caractère. Cette enfance brisée l’a forcée à se construire seule, à développer une force intérieure et une détermination à toute épreuve. Chaque enquête devient pour elle une quête personnelle, presque comme si elle cherchait, à travers chaque affaire, des réponses sur ses propres origines. Ce passé influence aussi sa manière d’interagir avec les autres : méfiante, sur la défensive, mais toujours guidée par un besoin profond de vérité et de justice. Elle écoute son intuition, comme si c’était la seule à qui elle pouvait faire confiance.

3. Le cadre régional (Polar des terroirs) : Votre roman est publié dans la collection "Vanil Noir" (polar des terroirs). Comment les paysages et l'atmosphère de la Gruyère/Suisse romande ont-ils été intégrés au récit ? Le cadre géographique du "lac des signes" est-il un simple décor, ou joue-t-il un rôle actif dans l'isolement, le mystère, ou l'émergence des secrets ?

Le lieu que j’ai choisi pour ce roman n’est pas un simple décor : il a une véritable portée symbolique. Ce lac, en particulier, est chargé de mystères et de légendes locales, ce qui nourrit l’atmosphère du récit. Son isolement en fait un terrain idéal pour que le tueur en fasse un lieu de sépulture caché. J’ai passé des heures à m’imprégner de ce lieu, à imaginer les scènes.

4. Le thème de la Vengeance : Certains commentateurs ont souligné que la vengeance est le dénominateur commun de l'intrigue. Selon vous, la vengeance dans votre roman est-elle présentée comme un moteur de justice, une forme de folie, ou une réponse inévitable aux secrets enfouis ?

À travers mon roman, j’ai voulu montrer que, face à la perte ou à un drame, l’être humain cherche presque toujours un coupable, même quand la vérité est floue ou incertaine. Dans ce cas précis, le tueur agit sous l’impulsion d’un besoin de vengeance, mais une vengeance qui dépasse toute raison. C’est une forme de justice personnelle, déformée par la douleur, jusqu’à sombrer dans la folie. La frontière entre justice et déséquilibre mental devient alors floue, ce qui pose une vraie question : à partir de quand la quête de vérité devient-elle destructrice ?

5. Les doubles protagonistes : Votre histoire semble se concentrer sur deux personnages, Jane et un homme lié à l'affaire. Pourquoi avoir choisi cette structure à double protagoniste ? Est-ce que cela permet de confronter deux approches différentes de la vérité, ou d'explorer les liens entre le monde de l'enquête et celui des secrets personnels ?

J’avais envie de confronter deux univers très différents en apparence, mais qui, en profondeur, finissent par se rejoindre. Jane incarne la rigueur de l’enquête, le besoin de vérité inscrit dans un cadre légal, tandis que l’autre protagoniste évolue dans une zone plus trouble, marquée par les secrets et les blessures du passé. Un loup solitaire, comme j’aime l’appeler. Jane, elle, a encore la fougue des premières enquêtes. J’ai pris plaisir à intégrer dans le récit une relation entre ces deux personnages, faite de tensions, de contrastes, mais aussi de complémentarité.

 

 

 

 

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