Julien Masdoua comédien engagé et solaire

 Les Débuts et le Tournant

Vous avez réussi le pari de passer de vos études d’Histoire et du théâtre amateur à une carrière professionnelle complète. Quel a été le moment clé ou la rencontre déterminante qui vous a fait dire : "Je quitte tout pour me consacrer à 100% au métier d’acteur et de metteur en scène » ?

J’ai passé une audition pour une pièce de théâtre amateur et j’y ai rencontré un autre étudiant ( lui était en sociologie ) et nous sommes vite devenus amis. Ensemble nous avons monté une troupe amateur. Nos spectacles ont eu beaucoup de succès et au bout de quelques années, alors que je finissais mon cursus universitaire, nous nous sommes rendus compte que nous avions suffisamment développé notre activité artistique pour pouvoir en vivre. On s’est donc lancés avec quand même de très bonnes garanties !

Le Théâtre, Moteur de la Création

Au cœur de votre travail se trouve la Compagnie du Capitaine, qui existe depuis plus de 20 ans. Comment maintenez-vous cette longévité et cette identité de « troupe » dans un milieu où les projets sont souvent éphémères ? Quel est l’ADN que vous voulez transmettre avec vos créations théâtrales ?

La réponse est quasiment dans la question. Aujourd’hui les compagnies de théâtre professionnelles fonctionnent beaucoup au « projet ». On monte une pièce, elle tourne quelques années avec une distribution originale, puis si la pièce a du succès, d’autres équipes sont engagées et les pièces sont souvent produites par une société indépendante de l’auteur du projet. La compagnie du capitaine c’est plus une « troupe » dans le sens ou ce sont les même comediens et comediennes qui participent à tous les projets. Et les spectacles montés le sont « pour toujours », avec un répertoire qui s’agrandit. Nous jouons donc certaines pièces qui ont été montées il y a 20 ans… Notre « ADN » c’est qu’il peut exister une troisième alternative dans l’offre théâtrale française. Nous ne somme bien sûrs pas les seuls mais nous faisons partie de ces artistes qui veulent répondre aux spectateurs qui ne sont pas intéressés par les pièces de café théâtre, les one man show et le stand up et qui le sont pas non plus par les pièces trop élitistes. Autrement dit avoir un spectacle abordable intellectuellement parlant, divertissant, mais avec un vrai fond et une vraie vision du monde.

 Le Rôle dans Un si grand soleil

Votre personnage, Enric Réal, est devenu essentiel dans Un si grand soleil. Comment abordez-vous le travail d’un rôle sur une longue durée ? Après tant d’années, comment trouvez-vous l’équilibre entre la fidélité au personnage et l’envie, en tant qu’acteur, de toujours apporter de nouvelles nuances ou évolutions ?

Le personnage d’Enric est par bien des aspects très proche de moi et du coup la composition du rôle est assez minime et m’évite une schizophrénie inerrante à l’interprétation dans une serie au long cours ! Les nuances et l’évolution se trouvent d’une part dans ma propre évolution en tant qu’acteur ( je travaille sans relâche a tenter d’améliorer ma palette de jeu ) mais également dans la variété des intrigues proposées, et là, tout le mérite revient aux auteurs !

Écriture et Adaptation

Vous avez adapté et réécrit des œuvres majeures comme Sherlock Holmes, ou créé des concepts originaux comme Theatrophobia. Qu’est-ce qui vous attire le plus dans le processus d’écriture : l’adaptation d’un univers déjà existant avec une touche personnelle, ou la création ex nihilo d’une histoire ?

En réalité, toutes les histoires ont déjà été racontées…mais comme le disait David Lynch, « toutes les histoires ont déjà été racontées mais par par vous ! » et du coup ce qui m’intéresse c’est de remplir ma fonction d’artiste : donner mon point de vue personnel sur tel ou tel sujet et le faire de la façon la plus élégante, intéressante, intelligente et divertissante possible. Que le sujet soit une œuvre pré existante ( comme Sherlock Holmes ) ou une problématique contemporaine ( la Peur et les barrières qu’elle nous impose )

 La Prochaine Étape (Projets)

 Quel est votre prochain grand projet qui vous enthousiasme particulièrement, que ce soit une pièce en préparation, un projet de mise en scène ou un rôle pour la télévision ou le cinéma ? Quels thèmes ou genres souhaitez-vous explorer dans les mois à venir ?

Je remonte pour le festival d’Avignon 2026 une pièce de notre « répertoire » que nous avions un peu délaissée et qui malheureusement redevient d’actualité : « 10 Histoires droles sur la connerie de la guerre » ou comment choisir de rire de l’absurdité des conflits armés tout en en reconnaissant la gravité. En parallèle, je travaille à l’écriture d’une commande de scénario de long métrage, mais chut ! c’est top secret !

 L’Art de Transmettre

Vous avez fondé et dirigez le Théâtre de la Plume à Montpellier, qui est aussi un lieu de formation. Quelle est l’importance de la transmission dans votre parcours, et qu’est-ce qui, selon vous, est indispensable à enseigner à la nouvelle génération de comédiens ?

Alors, je n’ai pas fondé le théâtre de la plume mais j’y ai bel et bien fait mes débuts. Et effectivement, je l’ai dirigé plusieurs années. J’y ai effectivement enseigné, mais mon rapport à l’enseignement date de bien avant et s’est continué jusqu’à aujourd’hui. C’est véritablement une passion et je ne m’imagine pas arrêter un jour de donner des cours ou des stages. La transmission c’est ce qui fait de nous des humains. Le langage a été inventé pour ça et c’est ce qui nous met à part dans le règne animal. Je suis également fasciné par l’effet bien connu du professeur qui apprend de ses élèves. C’est devenu un cliché mais dans mon cas il est fondé ! Je pense que le plus important à faire passer aux jeunes comédiens et comédiennes, c’est l’amour du théâtre. A l’heure ou l’IA est partout, le public va devenir plus que jamais demandeur de contact « réel » avec les artistes et même si je suis persuadé que le cinéma et la télévision arriveront à trouver un équilibre entre humanité et technologie, comme ils l’ont toujours fait, le théâtre sera encore et toujours essentiel.