
Renarde de Pauline Desnuelles
Bonjour Pauline, bonne année, parlez-nous de votre nouveau roman, son histoire, ses débuts…
Bonjour,
Ce roman est très différent de mon roman précédent, Une Ascension. Je souhaitais créer un mystère, une attente, un suspense. Il était écrit il y a plus d’un an mais j’ai eu besoin de le laisser décanter un moment et de le remanier. L’idée de la Renarde comme animal magique, qui incarne le retour à soi et au sauvage, m’est venue au fil de l’écriture.
Quelle a été la source d’inspiration pour ce roman là ?
Comme toujours, mes ressentis et mes émotions constituent le point de départ. La genèse de Renarde est donc liée à une relation amoureuse infertile, un chassé-croisé à la fois exaltant et douloureux entre deux êtres qui s’aiment profondément mais ne parviennent pas à vivre cet amour… Je crois que ce sont des situations fréquentes, qui se produisent pour mille raisons, les peurs, la fierté, l’immaturité affective, les blessures du passé, l’angoisse face au futur. Ava et Asan se fuient et se cherchent mutuellement. Les missions mystérieuses d’Asan semblent le tenir éloigné d’Ava, on ne sait trop s’il délire ou si une organisation secrète exige bel et bien de lui un assassinat. Son corps disparaît-il vraiment à la manière d’un spectre ? Parle-t-il réellement avec le fantôme de Miles Davis ? Cela reste nébuleux, mais c’est une façon de dire que, souvent, inconsciemment, nous déformons la réalité. Et aussi que nous nous compliquons la vie, bêtement.
Votre imagination est débordante et presque admirable, trouver à chaque fois un sujet différent pour vos ouvrages. C’est plus difficile avec tous vos livres à votre actif de trouver cette imagination ou pas ?
Les idées me viennent assez naturellement, dans le processus d’écriture. Elles m’extraient de mon quotidien, Je manque hélas de temps pour m’y consacrer de manière plus structurée, mais cette configuration est la mienne et je m’en accommode. J’adore ma vie avec mes filles et mon travail de traductrice m’offre des agréments. Je ne voudrais pas m’en départir.
Quelles seront vos influences littéraires cette année ?
J’aimerais lire plus de poésie, un genre littéraire exigeant. Idéalement, j’aimerais aller vers la prose poétique, dans mon écriture. S’agissant de la veine romancière, qui me touche de près, je voudrais lire des textes d’Audrée Wilhelmy, une Québécoise que j’ai découverte récemment. J’aime aussi profondément le travail d’une écrivaine valaisanne, Marlène Mauris, Son prochain roman paraîtra ce printemps.
Votre livre de chevet actuel ?
Vie de Samuel Belet, de Ramuz. Je n’ai lu de cet auteur que La Beauté sur la terre et Derborence, mais je nourris une vive admiration pour sa plume. On dit parfois qu’il est le Giono suisse et j’y vois une pointe de vérité. Je suis une inconditionnelle de Giono. Mort d’un personnage, sur la vieillesse, me semble être un chef-d’œuvre méconnu. Je lis des auteurs dits classiques autant que des écrivains contemporains.
Votre plus beau souvenir littéraire de 2024, c’était lequel ?
Peau-de-sang, d’Audrée Wilhelmy, aux éditions du Tripode. J’ai découvert ce roman grâce à Phaedra, de la librairie Le Vent Se Lève (Saint-Ursanne), à l’issue d’une balade littéraire – lieu magnifique dans un recoin du Jura. Ce récit hors du temps campe un village reculé, étrange et familier. La protagoniste, une forme de sorcière blanche, reçoit les hommes dans son lit, enseigne l’art de l’amour aux jeunes filles et plume des oies. Tous les travers des villageois se répondent dans un silence tumultueux, en même temps un bel élan d’entraide et d’apprentissage se dégage. La langue est sublime, poétique, atypique. L’ensemble est étrange, c’est vraiment un univers singulier.
A quoi va ressembler votre futur roman ?
Je ne suis pas encore sûre de la structure, mais il sera question d’une femme âgée et de son amitié naissante avec un jeune homme. Le contexte général sera l’art pictural et des journaux intimes seront intégrés à la trame du récit. J’ai envie d’écrire sur la vieillesse et sur la tendresse qui peut surgir entre les êtres, dépourvue de désir sexuel.
Comment voyez-vous évoluer la littérature dans les années à venir ?
Je découvre un tas de jeunes auteurs talentueux, qui renouvellent la langue et créent de nouveaux tissus littéraires. Je les trouve plus structurés que moi-même, aussi plus audacieux. Je suis confiante, l’idée répandue que les gens se détournent des livres me semble fausse. On puise dans la lecture des visions du monde et des vécus intimes peu accessibles ailleurs, pas même dans les films – même si j’adore le cinéma. Il m’arrive de moins lire pendant plusieurs semaines, mais après cette abstinence, ouvrir un roman qui me touche et me transforme, c’est une joie vraie et inégalable.
Si vous deviez définir «Renarde» en 3 mots ?
Je choisirai trois expressions et non trois mots : l’onirisme, la vie sauvage, la quête intérieure. Un lecteur m’a décrit récemment, à propos de mon roman, ses affinités avec les trois thèmes qui s’en dégageaient : la montagne, les animaux et l’amour impossible. C’est aussi très pertinent.
Vous en 1 mot ? Moi j’ai : passionnée romantique.
Vous voyez juste, ces deux adjectifs me correspondent pleinement. Je pourrais ajouter : sensible, déterminée.