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Rencontre avec Blandine Rinkel

 

Bonjour Blandine comment allez-vous ?

Bonjour Stéfanie, bien merci, comme beaucoup de gens la lumière du soleil froid dehors me rend particulièrement sensible — c’est un contexte météo propice à l’acuité du regard, je crois.

 

4 mots qui vous représentent le mieux :

Je ne sais pas

 

Parlez-nous de votre livre « Labandon des Prétentions » :

On finit par maltraiter les livres à trop le commenter, mais en somme c’est un portrait de ma mère et de ses rencontres avec les solitaires des rues de Rezé, petite ville de l’Ouest — et en exergue du texte il y a cette phrase qui, je crois, en suggère l’enjeu : « Sans doute n’aimons-nous que les énigmes. » (Annie Lebrun).

Le livre qui vous a le plus marqué dans votre enfance :

A égalité : Christiane F. 13 ans, droguée, prostituée que je lisais secrètement la nuit quand j’avais 10 ans, cachant la chose sous mon matelas de crainte que mon père ne me la retire des mains, ravie et choquée tout à la fois par ce personnage sulfureux — et puis Le roi Babar, qui a été ma première lecture, à 5 ans, si bien que j’en garde une fascination pour la maladresse souveraine des éléphants.

 

L’élément déclencheur qui vous a donné envie d’écrire :

 

Aucun élément déclencheur, une habitude prise lentement et de manière souterrain, à l’école principalement, contre l’ennui et le savoir objectif.

L’écrivain ou l’élément qui vous inspire pour écrire :

 

Je crois aux vérités en contexte davantage qu’aux vérités générales et donc actuellement, dans le café du 18ème depuis lequel je vous réponds, l’élément qui m’inspire est la porte d’entrée du club échangiste de la rue Marcadet, devant laquelle se tient un vieil homme que je vois souvent à l’épicerie du coin et sur laquelle a été scotchée une grande affiche « SOLDES POUR TAPIS », si bien que j’imagine des vendeurs de tapis échangistes en son sein, et d’autres choses encore, à écrire, sûrement. Mais plus durablement, les éléments qui m’inspirent, c’est mon carnet et mon stylo.

 

La valeur sûre au niveau littéraire actuellement :


Si par valeur vous entendez « écrivain », et si par actuellement vous entendez « encore en vie », je crois qu’aucun écrivain vivant n’est absolument sûr, et heureusement pour elle ou lui, mais j’attends avec beaucoup d’impatience les sorties des livres de Philippe Vasset, David Bosc ou Jean Rouaud chez les français et, chez les anglo-saxons, celles de Leslie Jamison, Zadie Smith ou Kate Braverman.

Le livre que vous avez détesté lire pendant votre adolescence :

 

Les mémoires dun âne de la Comtesse de Ségur, car pour la première fois de mon existence (je triche un peu avec votre question : j’étais enfant plus qu’adolescente), je me rendais compte que comprendre ce que l’on lit n’est pas évident, qu’il faut souvent travailler pour rejoindre un cerveau autre. Les pensées d’un âne m’échappant, j’avais en fait l’intuition de l’étendue de la littérature et du gentil labeur qui l’accompagne.

L’écrivain que vous rêvez de rencontrer :

Je rêve davantage de rencontrer des personnages de livre que des écrivains, mais parfois ils ou elles sont l’un et l’autre — en l’espèce, je dirais Nabokov, Henry Miller et Woolf. J’aurais voulu rire avec eux et explorer les dessous des cartes avec elle.

 

Michel Bussi, Harlan Coben, ou Marcel Pagnol ?

Aucun, pourquoi pas Asli Erdogan ?

 

Si je vous dit : « lire ressemble à regarder lhorizon. Dabord on ne voit quune ligne noire, puis on imagine des mondes », vous me dites ?

A Paris où je vis actuellement, on ne peut pas regarder l’horizon au sens de la ligne noire car des immeubles, des magasins et des poteaux, partout, en bouchent la possibilité. Alors les mondes, on les imagine non pas à partir d’une ligne noire, mais à partir d’un écriteau, d’un visage, d’une devanture. Et oui, en ce sens, lire ressemble à à imaginer ce qu’il y a derrière ces horizons urbains, aller creuser ce qui s’y joue, ce qui y palpite, les mondes parallèles qui cohabitent dans un même espace.

Récemment, j’ai lu un livre sur un vendeur de supérette excentrique, affligé par la construction d’un grand super-marché devant sa petite boutique familiale et branlante. Depuis, je ne regarde pas de la même façon le petit café Chiffons qu’il y a près de chez moi, dans le 18ème ; il n’est plus un strict décor, un horizon du regard, mais devient un monde que j’imagine, peut-être à tort, affligé par la construction de la riche enseigne Fichon quelques mètres plus loin et qui me semble être l’équivalent du grand super-marché pour la petite supérette. Tout ça pour attester que oui, lire aiguise et/ou change le regard sur le dehors.

 

Si vous n’étiez pas écrivain vous seriez :

Pas sûre d’être écrivain. J’écris, mais je pratique d’autres activités, musicales, journalistiques — je cherche surtout à rejoindre un espace mental, une certaine manière de voir et de communiquer. Une activité que je respecte beaucoup, et qui m’aurait attiré dans une vie parallèle est toutefois celle de psychologue.

 

Que peut-on vous souhaiter aujourdhui ?

A moi je ne sais pas ; au monde de garder cette lumière d’hiver tout en veillant à prendre soin de ceux qui ne peuvent pas l’apprécier car ils souffrent du froid.

 

Merci beaucoup Blandine davoir répondu à mes questions et belle continuation littéraire.


Merci Stéfanie, continuez aussi.

 

Crédit photo : Blandine Rinkel 

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