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Rencontre avec Damien Leuba dessinateur de presse et auteur de BD

 

Comment décririez-vous votre style de dessin (souvent qualifié de "cartoon" et humoristique) ? Quelles sont vos principales sources d'inspiration, que ce soit en bande dessinée, en illustration ou même dans d'autres domaines artistiques ou comiques (comme Alexandre Astier, Michel Audiard) ?

Cartoon me semble être une bonne façon de décrire mon style. Un trait simple, dynamique et des couleurs chatoyantes, le tout aromatisé d'une bonne dose d'humour plus ou moins de bon goût. J'ai été bercé dans mon enfance par Cartoon Network, chaîne diffusant d'incroyables dessins animés tels que Courage, le chien froussard , Samouraï Jack ou encore Adventure Times .Côté papier, ce sont des magazine comme Tchô qui m'ont plongé dans l'art de la bande dessinée. J'y ai découvert le travail de dessinateurs tels que Zep, Boulet ou encore Buche, dont les univers me font encore rêver aujourd'hui.

Vous travaillez à la fois comme dessinateur de presse pour des journaux comme Riviera Chablais Hebdo, le Nord Vaudois et AGRI Hebdo, et comme auteur de BD. Quelles sont les principales différences dans l'approche, le rythme de travail et les contraintes entre ces deux formes d'expression visuelle ?

Je pense que la plus grosse différence entre la bande dessinée et le dessin presse réside dans le rythme de travail. Comptez 1 à 2 ans pour sortir une bd contre 1 à 2 jours pour un dessin de presse. J'adore personnellement travailler « sur le fil », devoir réagir rapidement à une actualité, ne pas avoir le temps de tergiverser des plombes avant de devoir poser quelque chose sur le papier. Bien sûr, ça ne fonctionne pas à chaque fois. Certaines idées apparaissent à peine le titre de l'article lu, d'autres tardent à venir... mais c'est le jeu ! Le dessin de presse c'est ce qui me fait vivre, la bd c'est pour la passion. Il est d'ailleurs quasiment impossible de nos jours de vivre exclusivement de la bd, surtout en Suisse. A moins bien sûr de s'appeler Zep ou Derib.

Votre BD, "Topio, la Légende d'Hutzêran", met en lumière une légende vaudoise oubliée. Qu'est-ce qui vous a motivé à explorer et réinterpréter le patrimoine et les légendes de votre région (Pays de Vaud, Chablais) dans vos œuvres ?

Bien que mon atelier soit désormais à Vevey, j'ai vécu la majeur partie de ma vie dans le Nord Vaudois, vers Yverdon. J'habitais un petit village nommé Valeyres-sous-Montagny et il s'avère que dans la forêt située en face de la maison de mes parents gisait une très vieille tour en pierre. Personne n'avait été capable de me donner des informations à propos de cette dernière alors j'ai pris mon plus beau bob d'explorateur et mon canif et je suis allé faire mes propres recherches. C'est ainsi, au fil de mes découvertes, qu'est né mon travail de bachelor en illustration et BD à l'école d'art Ceruleum « Un Topio dans l'Pays D'vaud » dans lequel mon personnage de Topio part à la découverte de lieux oubliés de notre beau canton. Peu à peu, j'ai découvert la richesse de notre région et surtout ses mythes et légendes, dont je suis tombé amoureux. Ces ainsi que des années plus tard est né ma première BD « Topio, la légende d'Hutzerân » dans laquelle je raconte entre autres l'histoire d'Hutzêran, un génie des bois se situant vers Ollon qui, si vous avez le malheur de venir chanter ou siffler sur ses terres trois fois de suite la même mélodie, viendra vous faire un bien mauvais tour...

 L'Humour et la Double Lecture

L'humour est un ingrédient central de votre travail. Comment intégrez-vous cette "double lecture" dans vos planches, celle qui parle à la jeunesse tout en offrant des références et un langage plus argotique pour les adultes ? Est-ce un défi constant d'équilibrer l'humour incisif avec l'accessibilité ?

Je pense que cette idée de double lecture me suit depuis mes années Cartoon Network. Un adulte et un enfant peuvent regarder le même épisode d'Adventure Time et en avoir une compréhension bien différente. Ils ne vont pas rire aux mêmes blagues mais vont tous les deux passer du bon temps, et je trouve ça génial. Le défi est de placer de l'humour « à deux vitesses » sans que cela ne vienne perturber la compréhension de l’œuvre. J'ai essayé d'appliquer cela à ma bd, de façon à ce qu'un parent qui lise l'histoire à son rejeton prenne autant de plaisir que ce dernier.

Concernant le défi d'équilibrer humour incisif et accessibilité, je pense qu'il est très important de ne pas prendre les enfants pour des idiots. On a tendance à vouloir simplifier le vocabulaire dès que l'on veut s'adresser à un public jeunesse et je trouve que c'est une erreur. L'argot est une arme fantastique pour ça, il permet d'amener une richesse aux dialogues tout en gardant un langage familier et accessible, en plus d'avoir des mots incroyables comme « Pignouf », « Bofiaud » ou encore « Cagoinces ». La magie de l'argot réside dans le fait qu'un mot comme « niousser » peut être inconnu au bataillon mais devient évident si on le place correctement dans une case. « J'en ai marre de marcher, on arrive quand ? » - « Arrête de niousser, on arrivera quand on arrivera ». Comme disait Jacques Audiard : « Les dialogues, c'est de la musique. »

Quel est, de manière générale, votre processus de création, de l'idée initiale (pour un dessin de presse ou une histoire de BD) à la planche finale ? Utilisez-vous des techniques traditionnelles ou numériques, et comment choisissez-vous les outils adaptés à chaque projet ?

Ma façon de travailler est plus ou moins la même pour la BD ou pour le dessin de presse (si on enlève le rythme de travail). Je commence par griffonner quelques pattes de mouches sur un carnet. Je pose des mots-clés, des idées, je fais des mini-croquis pour chercher des compositions ou des personnages. Cette étape peut se dérouler un peu n'importe où, au bar, sur un banc dans un parc ou sur mon canapé. Suite à ça, je passe sur l'ordinateur pour réaliser mes croquis que j'envoie à mon rédacteur en chef (si l'on parle du dessin de presse). Une fois son retour en poche, je m'attaque au final, toujours sur l'ordinateur pour des raisons de temps. J'encre, je passe en couleurs, je fais les dernières retouches si besoin et le dessin se retrouve le lendemain dans les pages du journal !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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